Le système d’exploitation et de contrainte, capitaliste depuis trois siècles, façonne les structures de la société en vue d’une exploitation et d’une domination accrues des masses. Pour ce faire, il use de ruse pour arriver à ses fins. En effet, la domination du petit nombre sur le grand nombre a besoin d’un « pseudo » consentement de la part de la masse. Pour l’obtenir, le système met en lumière et promeut des causes « humanitaires » qui, tellement « évidentes », logiques, charitables et flatteuses pour la dignité humaine, deviennent rapidement des dogmes, des vérités imposées qu’il est interdit de mettre en doute ou de contester. Il s’agit le plus souvent de « sauver » tout ou partie de l’Humanité. Ces causes humanitaires, véritables « croisades », mobilisent les multiples agents du système : personnel politique, médias, intellectuels, économistes, juristes, experts… Le but réel desdites croisades est de façonner les structures des sociétés destinataires pour les rendre compatibles avec l’évolution planifiée du système d’exploitation. L’exemple de la révolution verte, débutée dans les années 1960 dans le Tiers-Monde, pour « lutter contre la faim dans le monde » apparaît significatif. Elle a contribué à ajuster les structures de la société (particulièrement celles du secteur de l’agriculture traditionnelle), à intégrer ledit secteur dans la mondialisation et à créer des dépendances externes (économiques, technologiques, financières…). Ce façonnage sociétal facilitera le passage au néolibéralisme avec la crise de la dette extérieure du début des années 1980.
Une opinion de Gil Bartholeyns, historien à l’université de Lille et romancier (Deux kilos deux est paru aux Éditions JC Lattès en 2019). Il codirige la revue Techniques&Culture. Gil Bartholeyns sera l’invité de Pascal Claude dans « Dans quel monde on vit » sur La Première, ce samedi, à 10h.
« Il est un lieu, le très paisible séjour d’un éternel printemps… » Jacques van de Walle, Heroica, 1656 (Naturae Domus, la maison de Nature)
La « covidisation » du monde n’est que la conséquence des violences faites à toutes les formes de vie. Cobra, civette masquée, paon bleu, fourmilier écailleux, renard volant… On se croirait dans un bestiaire fantastique. Mais il s’agit de la ménagerie des marchés humides que certains ont qualifié de « contre nature ». Nous connaissons mieux les fermes de cent mille poulets ou de mille cochons, mais les uns comme les autre sont des regroupements chimériques de haute dangerosité. Espèces, nombre, géographie : tout est sens dessus dessous. Nous n’avons jamais été aussi terriens, rendus à notre « première nature ».
On compare souvent la lutte contre la pandémie de coronavirus à une guerre. Nous sommes effectivement confrontés à un défi titanesque. Mais, pour monter au front, on a tout intérêt à être alerte, résistant et bien reposé plutôt que déjà à bout de forces. Notre système de santé occidental subit depuis des décennies des vagues de restrictions budgétaires et de privatisations. Notre économie était quant à elle déjà mal en point lorsqu’elle a été frappée de plein fouet par cette crise imprévue. Après celle de 2008, nous devons tirer de vraies conclusions de cette crise du coronavirus et opérer un changement de système radical. Il en va de notre santé, de notre avenir social et du climat.
» par cette crise imprévue. » Imprévue, vraiment, après le VIH, Ebola, H1N1, MERS, SRAS, … qui pouvait encore croire qu’une telle pandémie ne surviendrait pas ?
De la part d’un groupe de citoyens issu de la société civile et de la sphère culturelle, de citoyens actifs dans une volonté de changer ce monde pour que ce saut de paradigme tant espéré voie le jour, pour qu’après cette crise sanitaire mondiale, on ne nous resserve pas la même soupe, devenue imbuvable.
Mesdames et messieurs les dirigeants et tous ceux qui ont du pouvoir dans ce monde, chères citoyennes et chers citoyens,
Croyez-vous vraiment que nous vivrons comme avant, le jour d’après ? Croyez-vous vraiment que nous accepterons encore d’être ces serviles citoyens suiveurs d’un monde où l’on nous a vendu une croissance soi-disant infinie comme modèle de société, avec le capitalisme financier comme adjudant, la consommation et les plaisirs immédiats comme corollaires ? Du pain et des jeux en somme. Vieux comme l’histoire !
Dans son livre, Quand le dernier arbre aura été abattu, nous mangerons notre argent, Ludo De Witte montre que pour survivre, l’espèce humaine devra changer de système. Que nous apprend le coronavirus sur la mondialisation, le Pharma Business et qui va payer la facture ?
Nous lui avons demandé son avis sur la pandémie qui nous frappe .
Échec dans la lutte contre le réchauffement climatique, dégradation des écosystèmes, incapacité à résorber la pauvreté, creusement des inégalités, sous-financement des soins de santé et de l’enseignement, insuffisance de personnel dans les secteurs liés à l’aide à la personne, pression sur les travailleurs, toute puissance de l’industrie agroalimentaire, impossibilité pour nombre de personnes de se loger décemment à un prix acceptable, coupes dans les budgets alloués à la culture et aux services publics, incapacité à remettre en cause le remboursement de la dette, mainmise des forces du marché sur les pouvoirs élus : tous ces problèmes auxquels font face nos sociétés (et la liste n’est pas exhaustive), ont une cause commune : l’emprise de l’économie sur la société. Mise en évidence par Karl Polanyi dans son œuvre majeure [1], cette caractéristique est ce qui singularise le capitalisme au moins autant que l’accumulation de profit sans limites et la concurrence. Or, et comme il l’avait déjà dénoncé, cette marchandisation de tout ce qui peut l’être ne peut conduire qu’à des catastrophes. Catastrophe dont, en son temps, la montée des fascismes et la seconde guerre mondiale furent parmi les plus terribles exemples. Les mises en garde de Polanyi sont d’une criante actualité et il est clair que le XXIe siècle ne saura échapper à des vagues de barbarie si l’économie n’est pas remise à sa place, à savoir réencastrée au service de la société, et non l’inverse.
Une opinion de Philippe Lamberts et d’Olivier De Schutter, respectivement coprésident du Groupe des Verts/ALE au Parlement européen et professeur ordinnaire à l’UCLouvain.
L’épidémie actuelle éclaire un paradoxe : plus nos sociétés modernes tendent vers « l’efficacité » économique, plus elles sont vulnérables à des chocs systémiques. Diversifions-les et relocalisons-les pour les rendre plus résistantes.
Entretien avec Willy Pelletier autour du « Manuel indocile des sciences sociales » qui vient de paraître aux éditions La Découverte. Ce livre alimente en indocilités, ravitaille en savoir résistant. Sans jargon, ni dogme, ni abstraction, il fournit 1 000 arguments contre les fausses évidences partout répétées qui célèbrent le marché libéré, la mondialisation telle qu’elle est (soi disant heureuse), les chefs de toutes sortes, la bonne « santé » des démocraties (trop faiblement démocratiques).