Par Claude Semal
Il y a une trentaine d’années, la lecture de l’étude de Simone de Beauvoir sur «La Vieillesse» m’avait profondément marqué.
Elle y racontait sobrement comment, inexorablement, notre univers rétrécit avec le grand âge, aussi bien socialement que physiquement, parce que le monde du travail s’éloigne, parce que les amis meurent, parce que tous nos sens s’usent progressivement. On entend moins bien, on voit moins bien, on se déplace moins souvent, moins loin, et avec plus de difficultés.
A soixante-huit ans, j’entre dans ce «troisième âge» que les plus chanceux d’entre nous espèrent pourtant vivre comme une «chance» : délivrés de la contrainte du travail, en relative bonne santé, nous réorientons nos vies vers des activités choisies, du repos, des loisirs ou de l’entraide – pour peu que nous ayons évidemment les moyens matériels de subvenir à nos besoins essentiels ou futiles (ce qui n’est pas, loin de là, le cas de tout le monde).
Mais nous savons tous que derrière, il y aura souvent aussi ce «quatrième âge», où nous deviendrons peu à peu dépendants des autres pour assurer nos actes les plus quotidiens : nous déplacer, nous laver, nous habiller, nous nourrir.
Or si, dans les sociétés agricoles traditionnelles, les «vieux» restaient généralement associés à la vie des fermes, des familles et des villages, il n’en va plus du tout de même dans les sociétés urbaines et industrialisées.
Il faut bien les «parquer» quelque part.
Cette réalité sociologique a engendré un véritable nouveau «marché», celui des homes et des EHPAD, où la vieillesse est avant tout considérée sous l’angle de sa seule «rentabilité». De restrictions budgétaires en compressions du personnel, ces institutions s’éloignent ainsi souvent de leur supposé statut de «villégiature médicalisée», celui qui est annoncé par leurs noms bucoliques, champêtres, sanctifiés et fleuris, pour basculer dans un univers de plus en plus inhumain et carcéral.
Contre cette maltraitance institutionnelle, il y a visiblement là un combat générationnel à mener collectivement.
Or c’est la génération de Mai ‘68, celle qui a connu les communautés, les manifs et les grandes utopies collectives, qui arrive aujourd’hui aux portes de ces eaux tourmentées.
A l’image de ces combats passés, puisse-t-telle, comme le Gang des Vieux et des Vieilles en Colère, s’auto-organiser pour affirmer notre droit à vieillir dans la dignité, la solidarité… et, si possible, la gaîté !
Du début… à la fin, reprenons donc nos vies en main.